février 2021
La Cour de cassation exige du voyageur une motivation rigoureuse pour exclure les causes d’exonération invoquées par une agence de voyages afin de s’exonérer de sa responsabilité de plein droit au titre de l’article L. 211-16 du code du tourisme.
Le régime de responsabilité de plein droit des agences de voyage est défini strictement par la loi. Il est prévu à l’article L.211-16 du Code du tourisme et génère un contentieux éparse et dynamique notamment concernant les causes d’exonération que peut invoquer le professionnel pour éviter la mise en cause de sa responsabilité.
Le code du tourisme soumet les agents de voyages à un régime de responsabilité de plein droit, c’est-à-dire sans faute. A titre d’exemple, l’agent de voyages est tenu de répondre des dommages résultants du naufrage d’un bateau de croisière survenu le lendemain même de l'embarquement des croisiéristes (CA Paris, 30 janvier 2018, n°16/05797). Le fait que l'organisateur ait respecté la réglementation relative à la sécurité des personnes et à la navigation n'est pas une cause d'exonération.
Mais les agents de voyage peuvent toujours apporter la preuve que l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable soit au client, soit au fait d’un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à des circonstances exceptionnelles et inévitables pour se dégager de cette responsabilité très étendue.
C’est d’ailleurs le principal axe de défense des agences de voyage lorsque leur responsabilité est engagée.
A noter que le code du tourisme a été refondu au 1er juillet 2018. Avant cette réforme l’article L.211-16 du code du tourisme disposait que l’agent de voyage « [pouvait] s'exonérer de tout ou partie de sa responsabilité en apportant la preuve que l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat [était] imputable soit à l'acheteur, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d'un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas de force majeure. ». Deux notions ont disparu dans la nouvelle version de l’article : l’imprévisibilité et le caractère insurmontable fait du tiers et la force majeure qui a été remplacée par la notion de circonstances exceptionnelles et inévitables, notion voisine.
Tous les faits et incidents s’étant déroulés avant le 1e juillet 2018 restent soumis à l’ancienne version de l’article ce qui est notre cas dans la décision du la Cour de cassation du 17 février 2021 commentée, laquelle se penche sur le fait du client lors de l’exécution d’un contrat de voyage à forfait.
Deux voyageurs avaient conclu avec une agence de voyage un contrat ayant pour objet une croisière sur le Rhin. Au cours de la première nuit à bord, une des personnes a, dans son sommeil, fait une chute et heurté le coin de la table de chevet de la cabine et s’est blessé à l’œil. Elle a assigné en responsabilité l’agence de voyage leur ayant vendu la croisière en réparation du préjudice subi, après l’obtention d’une expertise médicale.
La cour d’appel d’Aix-en-Provence a d’abord jugé l’agence de voyage responsable et l’a condamné à indemniser la voyageuse. La cour s'est appuyée sur des éléments factuels empêchant de faire jouer les causes d’exonération, notamment que ce comportement ne pouvait pas être qualifié d’imprévisible ou d'insurmontable, une chute étant toujours possible, d’autant que la voyageuse venait de prendre possession de la cabine et dormait dans ce lit pour la première fois et que la table de chevet était proche du lit et présentait des arrêtes anguleuses.
L’agence a alors formé un pourvoi en cassation afin de voir cette décision cassée.
La Cour de cassation rappelle dans un premier temps les dispositions de l’article L.211-16 du code du tourisme et notamment que si toute personne qui se livre ou apporte son concours aux opérations consistant en l'organisation ou la vente de voyages ou de séjours individuels ou collectifs est responsable de plein droit de l'exécution des obligations résultant du contrat conclu avec l'acheteur ; elle peut toutefois s'exonérer de tout ou partie de sa responsabilité́ en apportant la preuve que l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable :
- soit à l'acheteur,
- soit au fait, imprévisible et insurmontable, d’un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat,
- soit à un cas de force majeure.
Elle considère ensuite que la cour d'appel n'a pas caractérisé en quoi une chute survenue dans de telles circonstances était prévisible et aurait pu être évitée par le croisiériste.
Elle casse ainsi la décision de la Cour d’appel et l’annule pour défaut de base légale.
Cette décision reflète la position de la cour de cassation alignée sur la nouvelle rédaction de l’article L.211-16 du code du tourisme et rassure tant bien que mal les croisiéristes !